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Faire le dos rond !? Par le Pasteur Jérémie Rossetti

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Hello, Vous me conjuguerez "Faire le dos rond" à toutes les personnes : je fais le dos rond, tu fais le dos rond, il/elle fait le dos rond...

Bref vous aurez compris, j'ai peur, que dis-je, je flippe grave, à l'approche de la dépression qui approche et je réfléchis donc depuis quelque temps à la stratégie à adopter…"

Ces mots du skipper Clarisse Cremer, s'ils n'étaient pas contextualisés dans la célébrissime course au large "Vendée Globe," pourraient d'une certaine manière être les nôtres tant ils sonnent justes pour notre époque. D'autant plus que notre "capitaine Premier ministre" nous annonçait il y a peu, la poursuite de notre confinement pour au moins deux semaines. Quoi de commun entre nous et eux ?

Le Vendée Globe est une course engagée où la durée estimée n'est jamais certaine. Beaucoup annoncent cette année une circonvolution en moins de soixante-dix jours autour du globe, grâce aux progrès technologiques et à un bon routage météo. Mais nul n'est capable de tout prévoir : tempêtes, casse humaine & matérielle font partie des aléas probables. Curieusement, la durée de ce Vendée Globe sera peut-être celle de notre re-confinement ou de son allègement.

De même, on connaît le nombre de ceux qui partent et pourtant chacun se figure qu'à coup sûr, tous ne franchiront pas la ligne d'arrivée... Et si la boucle est bouclée, se sera au prix d'efforts incommensurables et un zest de chance.

Puissante métaphore de la vie humaine, en vérité.

Embarqué chacun dans la sienne, nous pourrions sans doute nous identifier un peu à ces femmes & ces hommes ayant accepté - sinon recherché- que leur course puisse, fusse-t-elle préparée avec la plus grande minutie, se transformer en galère ou en ultime surprise.

En jetant un coup d'œil du côté du livre des Actes dans la Bible, nous mesurons le courage de ceux qui, parmi les apôtres, prenaient le risque de la mer pour annoncer l'évangile. Non pas en solitaires, mais accompagnés de leurs compagnons, d'infortune parfois. Ils s'aguerrissaient au fil des traversées au point d'en arriver à conseiller le capitaine d'un navire (Apôtre Paul - Actes 27) Et nous, chrétiens de l'époque moderne, que faisons-nous de nos traversées ? Avons-nous seulement conscience d'un processus de maturation guidé par l'Esprit-Saint ? Equipiers du Christ à distance dans le temps, comment accueillons-nous ces qualifications et dons spirituels pour le témoignage d'une traversée si particulière ?

Ensuite, il y a chez Clarisse cette peur qu'elle arrive à nommer, à désigner & à exprimer dans la conjugaison de l'expression "faire le dos rond." Le procédé est habile, car elle nous embarque directement avec elle dans l'introspection de ses émotions, de ce qui l'anime. Il n'y a plus ici de distance. Elle fait lien : je/tu/il/elle... c'est aussi nous-avec elle en réalité. Avec elle, nous pouvons percevoir que "faire le dos rond" c'est (parfois) succomber à la tentation (peut-être à la nécessité) du recroquevillement face à la violence des éléments naturels s'exprimant en plein océan. Mais il y a aussi, malgré la passivité apparente de la posture, une expérience activement forgée dans la traversée d'expériences similaires. Et ce sont elles qui confortent l'idée que ce ne sera que pour un temps.

Il n'existe aucune tempête qui ne dure toujours.

En jetant un coup d'œil dans les évangiles où le Christ dort dans la barque (Marc 4.35ss), nous assistons impuissants à la détresse des disciples se débattant au milieu des vents tourbillonnants et d'une eau fortement agitée. Les remarques fusent chez le lecteur embarqué par la force évocatrice du texte : "Est-ce bien raisonnable de t'être embarqué dans cette galère ?" Et puis : "...le capitaine n'est pas toujours celui qui tient la barre… Pourquoi ne pas réfléchir, toi aussi, à une nouvelle stratégie ? A une manière nouvelle de te positionner dans le continuum d’une vie passée à ajuster tes voiles ? En envisageant la possibilité d’un repos en Christ ? "

Donnons ici une dernière fois la parole à Clarisse :

"Je souhaiterais ménager ma monture (et mes nerfs) et je cherche tout à la fois à ralentir un peu et à faire de l'Ouest (souvent on fait l'un ou l'autre, je me lance dans les deux ambitions)."

Se ménager et tirer un bord (mettre un cap) un peu plus à l'Ouest, quitte à rallonger le chemin d'une course éreintante pour rejoindre des eaux plus accueillantes. Et en même temps, ne renoncer à rien. Quelle lucidité de cette navigatrice sur ses besoins fondamentaux. Des besoins bousculés par les dépressions météorologiques comme cela peut l'être pour nous dans nos vies singulières ! Alors qu'elle se sait engagée dans une course exigeante, elle ressent la nécessité d'ajuster son cap et de ralentir un peu. Une course paradoxale en quelques sorte. Une course où, chez les marins, l'écriture prend la forme d'une respiration, de minutes grapillées...oserait-on dire, de méditation ? L’extrapolation n’est sans doute pas loin...

Et jetant un dernier coup d'œil par le hublot des évangiles, l’invite du Christ à nous “mettre à l'écart" du tumulte de la foule, pour ralentir la parole & se placer dans l'écoute du Père (Marc 6.31) résonne comme une évidence salvatrice... Bon vent dans l'alizé du Souffle de l'Esprit !


Pasteur Jérémie Rossetti

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